Les enjeux et défis de demain pour le secteur du conseil – Noémie LINTZ

En mars 2020, la crise sanitaire a presque mis à l’arrêt le secteur du conseil lui faisant connaître un repli de son chiffre d’affaires de 5% sur l’année. En 2021, pourtant, le secteur renoue avec la croissance et enregistre une progression de son chiffre d’affaires de 10% selon une étude Xerfi parue en février 2022 sur les nouveaux enjeux dans le conseil en stratégie et organisation. Malgré l’affaire McKinsey qui éclabousse en 2022 les cabinets de conseils, Xerfi prévoit une croissance à deux chiffres en 2022 et 2023 avec respectivement 12% et 10% de croissance.

Alors par quoi sera portée cette croissance ?

  • La transition digitale, déjà sur toutes les lèvres, ne cesse de s’accélérer. La crise sanitaire a d’ailleurs joué un rôle important dans la transformation digitale des entreprises  : numérisation dans de nombreux secteurs, digitalisation du parcours client, harmonisation avec le commerce physique… Par ailleurs, les nouvelles tendances de travail qui émergent au sein des organisations doivent être accompagnées pour assurer une transition sereine : modes de travail hybride, création de nouveaux produits liés à la donnée, utilisation d’objets connectés pour la maintenance des équipements…
  • Les enjeux RSE sont propulsés sur le devant de la scène au travers d’initiatives publiques impulsées au niveau européen et national et grâce à la prise de conscience des populations. Pour faire face aux préoccupations environnementales et sociales, les entreprises s’appuieront certainement sur les conseils des cabinets pour définir leur stratégie, la mise en place d’actions et d’outils, le pilotage de projet et la conduite du changement accompagnant la transformation.

Les cabinets pourront actionner d’autres leviers de croissance parmi lesquels la mise en place de solutions logicielles répondant spécifiquement aux besoins des clients et mises à leur disposition moyennant un abonnement, les due diligence effectuées pour les acteurs du Private Equity ou encore le coaching pour accompagner les cadres et dirigeants dans l’implémentation des évolutions proposées par les cabinets et du change auprès de leurs équipes.

Toutefois, pour pérenniser cette croissance, les cabinets de conseil font face à plusieurs défis.

1. Remporter « la guerre des talents »

Entre l’arrêt des recrutements au point culminant de la crise, la forte augmentation des démissions en 2021, les nouvelles aspirations des jeunes diplômés, les cabinets ont été confrontés à une pénurie de consultants.

Pour attirer et fidéliser les consultants, les grands cabinets investissent dans des locaux plus modernes et/ou des services de haut standing (salle de sport, restaurant, …) tout en offrant des possibilités de télétravail pour ceux qui le souhaitent. Par ailleurs, de nombreux acteurs capitalisent sur leur marque employeur pour attirer les étudiants  : réseaux d’ambassadeurs, initiatives RSE et certifications de leur démarche, possibilité d’engager une partie de leur temps dans des projets associatifs… Enfin, pour faire face aux tensions sur les recrutements, les salaires sont revalorisés surtout dans les cabinets de conseil en stratégie et certains cabinets optimisent leur structure pyramidale en augmentant les opportunités pour devenir Partner (ou Associé en français).

2. Redéfinir le métier de consultant

Historiquement, le conseil se fonde sur des missions obtenues grâce à la relation privilégiée que les Partners entretiennent avec leurs clients ou au poids de la marque pour les acteurs les plus importants sur lesquelles interviennent une armée de juniors encadrés par une poignée de seniors ou d’associés qui disposent d’une forte spécialisation métier.

Toutefois, le modèle est de plus en plus mis à mal par les clients devenus plus matures vis-à-vis du conseil. Désormais les clients requièrent souvent des consultants expérimentés qui peuvent réagir rapidement face à des problèmes complexes posés par l’irruption du digital. Les cabinets ont devant eux plusieurs chantiers de transformation  :

  • Travailler sur des missions pluridisciplinaires car les enjeux soulevés sont variés et ne sont pas seulement focalisés sur la technologie ;
  • Prouver l’existence de leurs résultats car les clients développent une approche ROIste des prestations de conseil ;
  • Renouveler les outils car l’environnement se complexifie et les clients expriment un désenchantement vis-à-vis des outils traditionnels ;
  • Placer le facteur humain au cœur des missions pour une approche plus globale du digital et moins focalisée sur les technologies.

Ainsi, redéfinir le métier de consultant et développer des logiques collaboratives (co-création avec des partenaires pour proposer des offres pluridisciplinaires, co-production de solutions avec le client pour davantage d’efficacité et de résultats, …) apparaissent comme des nécessités.

3. Financiarisation des cabinets

Bien que le modèle du partnership prédomine dans le conseil, une tendance à la financiarisation des cabinets émerge à travers deux formes  :

  • Les fonds d’investissement, à la recherche de nouvelles opportunités d’affaires, entrent au capital d’acteurs du mid-market  : Crédit Mutuel Equity dans Kea & Partners, LBO de Ailancy, …). Le marché, qui a doublé de taille en 10 ans, affiche des perspectives florissantes et les fonds apportent ainsi les financements nécessaires aux opérations de croissance. De plus, le départ à la retraite de nombreux dirigeants ayant créé leur entreprise après la crise de l’an 2000 fait émerger des problématiques de transmission que les fonds tentent de pallier en apportant leur aide dans cette période de transition.
  • Certaines sociétés de conseil s’introduisent en Bourse. C’est le cas de Alan Allman Associates, cabinet spécialisé dans le conseil en stratégie et transformation numérique en avril 2021 après avoir racheté Verneuil Finance, une société déjà cotée avec laquelle il a fusionné.

Ainsi, le secteur du conseil, en stratégie, en organisation et/ou en management a de belles perspectives devant lui avec des opportunités de croissance portées par la digitalisation, les enjeux RSE auxquels les entreprises sont de plus en plus sensibles, ainsi que des potentialités de diversification. Toutefois, pour pouvoir les saisir, il leur faudra résoudre certains défis comme attirer et retenir les talents très convoités, mais aussi repenser leur métier et leurs façons de fonctionner, en interne autant qu’avec leurs clients.

Enfin, à une ère où de nouvelles tendances émergent constamment pour remplacer les précédentes, l’idée pour les acteurs du conseil est de rester à l’affût des signaux faibles pour s’adapter, préparer la transition et finalement, avoir constamment une longueur d’avance.