Comment interpréter l’interventionnisme des banques centrales dans une économie se voulant libérale ? – Saad Assim

Dans une économie se voulant libérale, où la «  Main Invisible  » du marché est censée guider les décisions économiques, l’interventionnisme des banques centrales soulève des questions cruciales. Notamment, comment interpréter ces interventions, souvent mises en place pour sauver les «  Too Big To Fail » ? Cet article examine les divers aspects de cette problématique en intégrant des concepts et théories clés tels que l’«  Aléa Moral  », le «  Policy Mix  », l’État providence et l’État gendarme. Nous explorerons également les points de vue divergents d’auteurs pro-interventionnistes tels que Keynes et ceux qui s’opposent à cette approche. À travers cette analyse, nous tenterons de mieux comprendre le rôle des banques centrales dans une économie libérale moderne.

Les institutions financières considérées comme «  Too Big To Fail  » sont celles dont l’effondrement pourrait causer des dommages systémiques du système financier et par conséquent un marasme économique à l’échelle mondiale. La crise financière de 2008 en est le parfait exemple. Face à une telle menace, les banques centrales peuvent intervenir pour éviter un effondrement brutal du système financier et pour maintenir la stabilité. Cependant, cette intervention, peut être perçue comme une espèce d’aberration aux principes fondamentaux d’une économie libérale.

En effet, les institutions financières dites systémiques, conscientes qu’elles bénéficieront d’un sauvetage en cas de difficultés majeures, peuvent être incitées à prendre des risques excessifs, compromettant ainsi la stabilité financière globale. Cette situation crée une dynamique paradoxale où le sauvetage des «  Too Big To Fail  » peut potentiellement encourager des comportements irresponsables, mettant en péril l’intégrité du système financier, il s’agit de l’«  Aléa Moral  ».

Un autre aspect à considérer est le «  Policy Mix  », qui se réfère à la coordination des politiques monétaires et budgétaires. Les banques centrales, en intervenant pour sauver les institutions financières, doivent souvent collaborer avec les gouvernements. Cette coordination peut affecter l’efficacité des politiques économiques dans une économie libérale, car elle peut entraîner une utilisation inappropriée des instruments monétaires et budgétaires.

Le débat entre l’État providence et l’État gendarme est central dans cette question. L’interventionnisme des banques centrales peut être comme une extension de l’État providence, où l’État joue un rôle actif dans la protection et la stabilisation de l’économie. Cependant, cela peut également être perçu comme une forme d’ingérence excessive de l’État, ce qui va à l’encontre des principes de l’État gendarme, où le rôle de l’État est limité aux fonctions régaliennes.

Les économistes ont des points de vue divergents sur cette question. John Maynard Keynes, par exemple, était en faveur de l’intervention de l’État, y compris des banques centrales, pour relancer l’économie en période de crise, via la stimulation de la demande. Il prônait l’idée que l’État devait jouer un rôle actif pour atténuer les cycles économiques. En ayant étudié la crise de 1929, il disait que l’économie n’allait pas retrouver sa force antérieure par elle-même. Et c’est là que Keynes préconisa les fameuses politiques budgétaires contracycliques, ce qui signifie que l’État doit injecter assez de liquidité pour lutter contre les effets délétères de la crise. En revanche, les économistes libéraux classiques, tels que Friedrich Hayek, étaient opposés à l’intervention de l’État dans l’économie, craignant que cela ne conduise à une allocation inefficace des ressources et à l’«  Aléa Moral  ».

En somme, l’interventionnisme des banques centrales dans une économie se voulant libérale est un défi complexe. Trouver le bon équilibre entre la stabilité et le libéralisme demeure une tâche compliquée. La question persistante est de savoir comment les sociétés modernes peuvent utiliser les outils à leur disposition de manière judicieuse pour éviter les crises tout en préservant les principes fondamentaux de l’économie libérale. En fin de compte, c’est un défi essentiel pour les décideurs économiques et les théoriciens, et il exige une réflexion continue et une adaptation constante aux réalités changeantes de l’économie mondiale.