Le secteur de l’assurance face à la révolution de l’intelligence artificielle

Le secteur de l’assurance est plongé au cœur d’enjeux de plus en plus structurants pour son activité : enjeux réglementaires, changements et risques climatiques, évolution démographique, pression concurrentielle, etc. Ainsi, la chaîne de valeur du secteur se modifie constamment pour intégrer et appréhender ces enjeux et répondre aux demandes et besoins des consommateurs, de plus en plus attentifs à l’utilité et la valeur de ce qu’ils consomment.

Cette complexification du paysage assurantiel amène chaque acteur à repenser son activité et à y associer les meilleures combinaisons possibles entre ressources humaines et facteurs technologiques.

Bien qu’existante depuis de nombreuses années, l’effervescence autour de l’intelligence artificielle et notamment de l’IA générative, s’est réellement produite à partir des années 2020 dans le secteur et l’apparition de ChatGPT en 2022.

L’émulation autour de ces nouvelles technologies est immense. Elles portent les ambitions et plans stratégiques de tous les grands acteurs de la place qui y voient des opportunités business et des réponses à leurs enjeux. Le développement de ces technologies répond ainsi au nécessaire maintien de compétitivité vis-à-vis des concurrents mais également au moyen d’écarter au maximum le risque de voir de nouveaux types de métiers bouleversés par de nouveaux acteurs.

Par leur capacité à donner du sens à la donnée pour prédire et appréhender la complexité d’un raisonnement, l’intelligence artificielle vient questionner le secteur assurantiel notamment à travers l’utilité et la manière dont chaque acteur veut s’en emparer et l’intégrer dans sa chaine de valeur. Les grandes interrogations portent ainsi sur l’ensemble du cycle de vie de ces LLM (Large Language Models) :

  • Le périmètre  qui consiste à définir le(s) cas d’usage et trouver les meilleures combinaisons pour optimiser la performance fonctionnelle et financière, sa valeur ajoutée et son intégration dans la chaîne de valeur.
  • Le choix du modèle qui se construit selon des choix et des contraintes, par des procédés itératifs :
    • La cible  : Auprès de quelle(s) population(s) l’intelligence artificielle vient-elle en aide ou en soutien ?
      • L’IA doit-elle être à destination des clients directement avec un risque que ces derniers se saisissent mal de la technologie et y voient un risque de déshumanisation du secteur.
      • Doit-elle être en soutien des collaborateurs pour les aider dans la réalisation de leur activité impliquant des modifications de leur métier et une réelle conduite du changement.
    • Le modèle  : Qu’est-ce qui est recherché à travers l’utilisation de l’IA ?
      • Un outil de prédiction : affiner les modèles de risques de fraude qui représente 2,5 milliards d’euros par an dans le secteur, affiner la création et la personnalisation d’offres innovantes, etc.
      • Un outil de facilitation  : optimiser le parcours client (souscription, gestion des sinistres, etc.) 
      • Une combinaison à définir entre les différentes technologies (IA prédictives, IA génératives…) et avec les ressources humaines.
  • L’adaptation et l’alignement du modèle  : l’IA n’est pas un outil parfait et est susceptible de commettre des erreurs. Des ajustements sont à réaliser sur différents paramètres tels que le seuil minimal d’apprentissage, le choix des données d’entrée du modèle (« features »), la capacité à sélectionner la donnée intéressante dans une situation donnée, la validité des modèles, etc. La mesure de la performance du modèle est alors primordiale afin d’adapter et amender si besoin.
  • L’après cas d’usage – l’intégration aux applicatifs : Une fois que le ROI du cas d’usage et la performance fonctionnelle de ce dernier est mesurée et à minima satisfaisant, l’intérêt est de généraliser en déployant le modèle, puis de l’améliorer en continu selon les avancées technologiques.

Via l’intégration de l’IA dans les processus de gestion des sinistres, l’insurtech américain, Lemonade.com, a ainsi acquis 1,9 millions de clients avec une croissance annuelle de 21%. Ainsi, la question n’est plus à savoir si l’intelligence artificielle va bouleverser le secteur de l’assurance mais plutôt de comprendre à quel point ce dernier va être bouleversé. Ces transformations stratégiques et structurelles vont demander aux Groupes de l’assurance une agilité notamment dans :

  • La construction de schéma directeur IA pour donner une vision et une trajectoire dans les années à venir ;
  • Le déploiement industriel à travers la revue des processus, des outils et de l’organisation plus globale de l’entreprise ;
  • L’embarquement des collaborateurs qui vont devoir combiner / se substituer à ces technologies et tendre vers une modification de leur métier.

Par ailleurs, ces transformations ne sont pas sans difficultés et des questionnement légitimes portent sur le risque de cette technologie et ses limites dans la chaine de valeur de l’assurance. Les acteurs doivent alors veiller à ces risques et enjeux :

  • Le risque d’erreur de la technologie, dont les prédictions sont basées sur des modèles de données existantes, via des statistiques et récurrences et qui disposent d’une zone d’indécision où la prédiction est plus parsemée. Ces risques peuvent avoir des impacts forts sur les clients (risque réputationnel), les pertes associées aux investissements massifs / l’absence de ROI (risque financier), la mauvaise gestion de la donnée (risque de conformité), les collaborateurs (risques sociaux : recrutement, turnover), etc.
  • Les risques liés à la combinaison entre les facteurs humains et technologiques  : acceptation des technologies par les collaborateurs, perte de confiance de ces derniers face à la technologie, perte de créativité, etc.
  • L’hébergement des modèles et données et les questions de sécurité et de propriété plus largement

Enfin, ces nouvelles technologiques doivent s’appréhender de manière transverse, à travers l’ensemble des directions de l’entreprise de la direction financière (l’IA pour lutter contre la fraude, aider à la maitrise des risques…) à la direction des ressources humaines (l’IA pour le recrutement, le ciblage de la trajectoire professionnelle des talents…), en intégrant l’ensemble des directions spécifiques à l’assurance.

Au-delà de réduire les coûts, l’intelligence artificielle apporte des solutions de performance, de rapidité et de précision, tout en répondant à de nombreux enjeux de guerre des talents, d’expérience client et d’impacts climatiques.