Le secteur financier réinvente son modèle organisationnel pour intégrer les critères ESG et répondre à une demande client croissante – Abdou Ben El Mamoune

La pandémie de COVID-19 a non seulement provoqué l’une des pires récessions économiques depuis la Seconde Guerre mondiale, mais les investisseurs l’appellent également la première crise de « durabilité » du 21ème siècle car elle a renouvelé l’attention portée au changement climatique, agissant comme un signal d’alarme à l’échelle planétaire.

En parallèle, la pression réglementaire continue de s’intensifier. L’Union Européenne a continué d’accélérer la mise en œuvre de la taxonomie, du règlement de divulgation et du règlement de référence de l’UE, ainsi que des améliorations de toutes les réglementations et directives des marchés financiers pendant la pandémie. Aujourd’hui, alors que l’écosystème financier se reconstruit, il existe une opportunité de repenser l’économie du futur et de s’orienter vers des pratiques plus durables.

Fort de ce constat, le secteur financier renforce son offre de produits dits ESG, pour répondre à une demande croissante des investisseurs « socialement responsables ». Parmi les initiatives récentes du secteur financier, on retrouve notamment :

  • Le lancement par HSBC Asset Management en fin avril d’un ETF durable « HSBC Europe ex UK Sustainable Equity UCITS » offrant une exposition aux entreprises ayant des scores ESG élevés et des réductions d’émissions carbones rapides. Son objectif est de répliquer la performance des actions de moyennes et grandes capitalisations en Europe (à l’exclusion des sociétés britanniques) en visant une amélioration de 20 % de la notation ESG par rapport à son indice parent. Cette annonce marque la poursuite de l’expansion par HSBC de sa gamme d’ETF durables, peu après le lancement de deux nouveaux ETF indexés sur le Paris Aligned Benchmark.
  • Aviva Investors, l’entreprise mondiale de gestion d’actifs d’Aviva PLC, a récemment annoncé la transition de sa plateforme de gestion d’actifs réels de 47 milliards de livres sterling vers le zéro carbone net, révélant que la société a atteint une réduction de près de 25 % de l’intensité carbone de ses investissements directs et a dépassé son objectif sur cinq ans de financer 1 milliard de livres sterling de prêts axés sur la transition climatique d’ici 2025.
  • Dans la même optique, CitiBank a annoncé en mai le lancement de Sustainable Time Deposit (TD) et Sustainable Minimum Maturity Time Deposits (MMTD), deux nouvelles solutions de dépôt dont l’objectif est de permettre aux clients d’investir leurs excédents de trésorerie en accord avec leurs objectifs de durabilité, tout en offrant des rendements compétitifs.
  • Le géant de l’investissement BlackRock a annoncé la semaine dernière son intention de développer des stratégies visant à mobiliser des capitaux pour soutenir les opportunités économiques des femmes dans le cadre d’un nouvel accord avec ONU Femmes*. BlackRock et ONU Femmes travailleront ensemble à la promotion de l’investissement dans une optique de genre, qui alloue des capitaux et aligne des stratégies et des produits d’investissement pour contribuer aux objectifs d’autonomisation des femmes.
  • Dans un registre similaire, Deutsche Bank a récemment annoncé que la banque demandera à ses principaux fournisseurs de produits et de services de se soumettre à une évaluation ESG. À partir de l’année prochaine, les nouveaux contrats ne seront approuvés que pour les fournisseurs qui obtiendront un score minimum en matière de durabilité. Avec plus de 8 milliards d’euros de dépenses annuelles pour des fournisseurs tiers, la Deutsche Bank a déclaré qu’elle entendait utiliser son pouvoir d’achat pour renforcer la responsabilité et la transparence ESG de sa chaîne d’approvisionnement.

Les banques et les gestionnaires d’actifs s’engagent donc progressivement dans la transition vers une finance plus durable. Si cela passe majoritairement par un élargissement de la gamme de produits « verts » ou « durables », d’autres acteurs comme la Deutsche Bank, vont jusqu’à revoir leur politique d’approvisionnement pour assainir leur modèle opérationnel directement à travers leur chaîne de valeur.

Intégrer la notion de durabilité dans son offre produit requiert également une revue de son organisation. En effet, la majorité des acteurs du secteur financier constituent des « équipes ESG » dédiées à la gestion des données, la gestion des risques ou encore la gestion de portefeuille. Cela implique souvent la mise en place de nouveaux processus et éventuellement l’intégration ou le développement de nouveaux outils (solution de gestion et collecte de données, outil de scoring ESG, portfolio management solution, …) ce qui peut mener à une refonte des systèmes d’information.

En mi-2022, le changement climatique reste le défi économique et environnemental le plus urgent à l’échelle mondiale et le problème jusqu’ici a toujours été l’inertie. Malgré les engagements pris tant au niveau national qu’au niveau des entreprises, les actions n’ont pas été menées assez rapidement pour éviter la crise climatique.

Pressés par les consommateurs, les gouvernements, les investisseurs et les régulateurs, les services financiers subissent une pression croissante pour devenir plus durables et s’engager dans des stratégies ESG. A cinq semaines de l’entrée en vigueur de la nouvelle directive MiFID II, renforçant les obligations des intermédiaires financiers à prendre en compte les préférences de leurs clients en matière de durabilité, le secteur financier sera-t-il prêt ?

* Entité de l’ONU dédiée à l’égalité des sexes et à l’autonomisation des femmes