Les acteurs sociaux à l’ère du changement

Si Héraclite d’Ephèse formulait déjà au 4e siècle avant JC : « Rien n’est permanent sauf le changement », son discours apparait toujours aussi actuel et moderne.

A l’ère où les réorganisations, les transformations sont récurrentes dans la vie des organisations et par conséquent, dans la vie des acteurs sociaux, ces dérèglements peuvent avoir des impacts néfastes et faire naître le sentiment de perte de repères, de fatalisme, de « démoralisation ».
Le changement est marqueur d’un déséquilibre constant du développement entre un état stable A vers une situation instable dont on ne connait ni la forme, ni l’horizon, ni la temporalité mais qui, au travers de cette dynamique deviendra un état B. La sociologie des organisations s’intéresse à cet entre-deux-mondes, le passage de A à B, la régulation nécessaire entre un ancien fonctionnement régit par des règles devenant obsolètes (A) et un nouveau fonctionnement à construire, marqué par la capacité à construire de nouvelles règles sociales légitimes (B).

Dans ces changements, il existe autant de conflits de temporalités que d’apprentissages, de capacités collectives à changer que de blocages, d’engagements que de défections. Cette dynamique se caractérise alors par une instabilité et des incertitudes, portées par des moyens en vue d’obtenir l’état souhaité de l’organisation.

Par ailleurs, ces mouvements conduisent les acteurs sociaux à se questionner vis-à-vis de leur identité professionnelle, de leur identité de métier et de leur positionnement dans un collectif en mouvement. Des sociologues ont alors parlé de « vécu collectif de crise » (Osty et Uhalde, 2007), mettant en exergue les processus de rupture du fonctionnement social antérieur et les nouveaux facteurs d’équilibre des rapports sociaux qui en résultent.

Il existe plusieurs structures du vécu collectif de crise :
Le bouleversement cognitif : grande difficulté des acteurs à comprendre les comportements des différents groupes sociaux à propos de ce nouvel état, cette modernisation.
Le bouleversement psychologique : disjonction entre le sens donné à ce nouvel état et le « système » qui l’entoure, produisant un fort sentiment d’insécurité. Les acteurs ne parviennent plus à se projeter dans l’avenir
Le tassement de l’imaginaire : ambivalence à l’égard du changement qui fait à la fois l’objet d’un désir mais aussi de fatalité
La valorisation du travail : attachement des acteurs à leur métier, à leur activité venant se placer au-dessus du désordre organisationnel

Chaque acteur expérimente le changement à sa manière en passant d’un statut à un autre ou en conservant son statut, tout au long du processus. La crise est porteuse de la dynamique sociale et motrice des transformations des identités collectives.
Par conséquent, la place des acteurs sociaux est à mettre au centre de toute transformation. La conduite du changement est primordiale pour répondre aux enjeux des individus : l’établissement de nouvelles règles, la conservation de repères, l’accompagnement de chacun dans la construction d’une culture commune et l’apport de formes de régulation qui font sens pour les individus. Par conséquent, si le changement est constant, il lui faut apporter une routine, un cadre et comprendre les sources d’inquiétude et d’instabilité pour réussir à transformer sans crise. Finalement, « le vrai changement, ce serait que ça s’arrête de changer ».