Tips by Hector – Les régulations sociales

Le concept des régulations sociales a été théorisé par Jean Daniel Reynaud à la fin du XXe siècle. Partant du postulat que toute organisation est un lieu d’interactions et de socialisation régi par des règles formelles et informelles, il s’est s’intéressé à la manière dont les individus s’approprient ces règles, les contestent et/ou les transgressent pour ainsi comprendre plus globalement l’action collective.

L’objet de l’analyse est porté par un paradoxe premier qui est le suivant :

Comment l’action collective peut-elle exister alors qu’il règne autant de conflits d’intérêts, autant de divergences et de tensions ?

La réponse à cette question trouve sa source à travers la définition de la « régulation », la manière dont évoluent les règles dans le temps et dans un cadre social.

La théorie de la régulation sociale trouve son origine dans 3 principes fondamentaux :

  • Les acteurs: ils sont rationnels mais disposent d’une information limitée. Face à l’information qu’ils possèdent, ils effectuent des actions dites raisonnables et se lient à des groupes sociaux en répondant aux valeurs et normes de ces derniers.
  • Les règles et la dynamique de régulation: Une règle est une obligation créée par des acteurs en vue de résoudre des problèmes sur lesquels ils se reconnaissent le pouvoir d’agir en commun. L’obligation qu’elle instaure n’a d’effectivité qu’à la condition qu’elle soit suivie et vue comme légitime. Autrement elle est sans cesse contournée ou combattue de façon visible ou non. Ces règles sont mouvantes et évoluent dans le temps.
  • Les interactions sociales et l’action collectives: il s’agit d’un regroupement d’acteurs qui partagent des règles communes et une finalité, un projet partagé

Dans cet écosystème social où les règles ne sont pas que formelles, des négociations et confrontations sont systématiques entre 2 sources de règles :

  • La régulation « de contrôle » qui émane de l’entreprise (dirigeants, investisseurs, actionnaires, etc.) et a pour vocation de contrôler le travail au sens large. Elles sont majoritairement explicites ou officielles (règlements, politiques, procédures, etc.)
  • La régulation autonome qui émane des acteurs sociaux (travailleurs / collaborateurs, managers, direction, etc.) au service de leur propre activité. Majoritairement non écrites et enseignées, ces règles ne sont pas nécessairement « déviantes », souvent elles servent l’efficacité en corrigeant ou en complétant la régulation de contrôle et instaurent une relation de solidarité et est par essence, essentiellement défensive.

La coexistence de ces deux types de régulation n’est pas forcément contradictoire ou néfaste et va amener à ce que Jean Daniel Reynaud appelle la « régulation conjointe », qui peut prendre 2 formes :

  • Une forme explicite où chaque acteur parle ouvertement des accords et désaccords pour consentir à des règles communes
  • Une forme implicite où le régulateur fixe des règles en acceptant une marge de manœuvre et/ou que les acteurs s’emparent de ces règles et les modifient.

L’apport de cette théorie est immense. En portant un regard sur l’action collective à travers sa nature, son sens, la position des acteurs individuellement et les processus d’interaction, elle met en exergue le résultat des relations au travers de moments courants tels que le conflit, mettant au jour les communautés qui s’opposent, ou encore la négociation, faisant émerger les convergences et intérêts communs. Les règles sont ainsi constitutives de liens sociaux, qu’ils s’agissent de relations subordonnées ou de relations de solidarité, à travers la constitution de communautés de pairs. Ce respect va venir nouer et renforcer des identités professionnelles autour d’une culture organisationnelle et soutenir ainsi les capacités d’action collective et les dynamiques au sein des organisations.