Quels sont les défis de la labellisation ISR ? – Elodie Daveau-Coudray 

Un défaut de transparence des investissements vis-à-vis du grand public et des objectifs essentiellement centrés sur le court terme (au détriment de la planète et de l’Humain) a fait émerger une certaine méfiance des investisseurs. La finance utile est née dans ce contexte. Elle concilie performance économique et impact positif, tout en assurant une visibilité des investissements.  

Le label ISR est apparu en 2016 à l’initiative du ministère de l’Économie pour certifier les fonds de gestion qualifiés ISR (Investissement Socialement Responsable) et valoriser les sociétés d’investissement qui mettent en avant des entreprises vertueuses en matière environnementale et sociale. Par exemple, les sociétés ou entités publiques, dans lesquelles les paramètres extra-financiers sont pris en compte dans les prises de décisions. Les entreprises certifiées ont notamment pour principes de valoriser leurs collaborateurs, lutter contre les inégalités ou réduire leur impact environnemental. Les fonds labellisés et les en-cours sont en pleine augmentation. Cependant des réformes sont en étude afin d’actualiser les exigences de ce label depuis le 25 mars 2021. 

L’ISR passe par l’analyse extra-financière des entreprises et se base sur des critères ESG : Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance. Il est primordial aujourd’hui que les organisations prennent en considération leurs impacts et cherchent à les minimiser pour rendre leurs activités plus vertueuses pour la société.  

  • Les critères environnementaux permettent la mesure des impacts directs ou indirects des activités d’une entreprise sur l’environnement (émission de carbone, gestion des déchets, gestion de l’eau…). Ils évaluent les politiques d’économie d’énergie et les différentes procédures prévues pour minimiser l’impact environnemental.  
  • Les critères sociaux permettent l’appréciation de l’influence des entreprises sur leurs parties prenantes comme le respect des droits des salariés et la qualité du dialogue social.  
  • Les critères de gouvernance étudient la direction, l’administration et le contrôle des entreprises. Cela inclut notamment les mesures anti-corruption, la relation avec les actionnaires, la rémunération des dirigeants ainsi que l’équilibre des pouvoirs. 

Le processus de labellisation des fonds passe par trois organismes certificateurs validés par le Comité Français d’Accréditation (Cofrac) : EY France, organisme présent depuis la création du label, Afnor certification et Deloitte arrivé en 2021. En 2022, le label a été validé sur 180 sociétés de gestion qui pilotent les 1069 fonds certifiés, soit un encours de 664 milliards d’euros. Si les fonds en question sont majoritairement français, une partie d’entre eux proviennent du Luxembourg, de l’Irlande et de l’Allemagne. Il est à noter que 10% des sociétés de gestion gèrent 70% des encours totaux. Pour prétendre à ce label, les sociétés de gestion doivent remplir six critères principaux et leurs actifs doivent suivre les critères ESG. Une préparation rigoureuse au référentiel du label permet à peu de sociétés de ne pas être accréditées. Cependant, la règlementation européenne est en train de changer, notamment au travers de la mise en place de la taxonomie verte ayant pour objectifs de créer une définition commune et de déterminer les activités économiques qui peuvent être considérées comme durables. Ainsi, les entreprises sources des investissements doivent indiquer la proportion de leurs activités qui répondent à cette classification verte dans leurs reportings extra-financiers. 

Lors de sa création, le label concernait des OPCVM (Organismes de Placement Collectif en Valeurs Immobilières) investis en actions et obligations souscrites dans le cadre d’assurance-vie, d’épargne entreprise, de PEA et de compte titres. La loi de modernisation de l’économie impose au moins un fond ISR dans le plan d’épargne entreprise. Depuis 2020, les fonds alternatifs (FIA) et notamment les fonds immobiliers (SCPI et OPCI) sont accessibles au label. Ainsi, des fonds peuvent financer la rénovation de bâti ancien pour gagner en isolation et en performances énergétiques. 

Les fonds sont catégorisés de différentes manières. Dans un premier temps, il y a les fonds d’exclusion normatives (tenant compte du non-respect de normes ou de conventions internationales) ou sectorielles (secteurs d’activités exclu de l’investissement du fond). En deuxième lieu, on retrouve les fonds Best in class, ayant les meilleures notations ESG par secteur, et les fonds Best in universe, ayant le même principe indépendamment du secteur. Il existe également des approches thématiques en fonction des entreprises dans des secteurs liés au développement durable telle que l’engagement actionnarial – qui consiste à investir dans des entreprises avec lesquelles il peut y avoir dialogue pour faire évoluer leurs pratiques – ou encore l’impact investing dont l’objectif est de générer des impacts sociaux et environnementaux en même temps que du rendement financier. 

Aujourd’hui le label ISR est en pleine croissance dans le poids des investissements. Il permet de mieux gérer les risques et d’identifier les opportunités. Néanmoins, il soulève de nombreuses questions et est accusé de laxisme vis-à-vis de l’actualité et de l’évolution de la réglementation européenne. L’enjeu actuel est d’éviter le greenwashing. En effet, la méthode du Best in class est considérée comme dépassée vu qu’il y a peu d’exclusion et pas de recherche d’impact. Une consultation a été menée jusqu’au début du mois de septembre pour réformer la labellisation et pour rendre le label plus exigeant mais aussi plus attractif, le but étant de répondre aux objectifs des épargnants en leur apportant des gages de développement durable. Il en ressort que le niveau d’exigence du label doit être durci pour garantir la crédibilité et l’utilité des investissements. En effet, selon le cabinet Axylia, 60% des encours labellisés ISR de droit français sont constitués de fonds dont les exigences ISR seraient minimales. L’association des acteurs de la finance durable sert à renforcer les fonds d’exclusion (notamment en ce qui concerne le tabac ou encore le pétrole de schiste). La mise à jour du label devrait s’accompagner d’une plus grande transparence et lisibilité pour les épargnants, dans le but de rendre ces fonds plus visibles. Certains fonds ont leur propre politique pour les critères ESG mais ne se font pas labelliser. Pour les petites sociétés de gestion, la certification représente un coût important et n’est pas très attractive. Pour d’autres, les intérêts ne sont pas encore très clairs et sa controverse n’engage pas en sa faveur. Les reportings demandés par le label ne sont pas les plus adaptés, ce qui ne les encourage pas à aller vers les fonds labellisés. Les performances de l’ISR ne font plus débat car elles sont similaires aux autres investissements, mais les sociétés de gestion souhaiteraient une harmonisation des labels européens. Il y existe un réel besoin de pédagogie sur ces investissements auprès des épargnants qui n’est pas encore un enjeu du label. Enfin, ce dernier manque encore de visibilité, ce qui fait que les produits disponibles sont minoritaires. C’est pourquoi l’AMF recommande aux fonds d’être labellisés s’ils se défendent ISR. Le bilan de la consultation et les changements attendus sont donc des enjeux majeurs pour la crédibilité et la croissance des fonds labellisés.