Assurance et Durabilité : premiers rapports, premiers défis – Clara Lamache
Dans un environnement réglementaire mouvant et un contexte géopolitique tendu, les grandes entreprises de plus de 500 salariés — répondant aux seuils de chiffre d’affaires ou de total de bilan définis par la directive CSRD — ont franchi une étape importante : la publication de leur premier rapport de durabilité. Cette démarche s’inscrit dans une volonté européenne d’apporter plus de transparence et de standardiser les obligations de reporting ESG, afin de faciliter la comparabilité entre les acteurs économiques.
Parmi les premiers à s’y être attelés figurent les grands groupes d’assurance, avec des publications dès mars-avril 2025 par des acteurs comme CNP Assurances ou AXA. Ces premiers rapports illustrent les efforts engagés par le secteur, mais mettent également en lumière plusieurs points de vigilance.
Une approche ESG prudente ?
Selon les premières analyses de l’ACPR (Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution), un écart apparaît entre l’évaluation interne de la matérialité des risques de durabilité et leur restitution publique dans les rapports réglementaires (notamment les EIRS – Evaluation Interne des Risques et de la Solvabilité).
Le secteur de l’assurance semble adopter une vision minimaliste des risques matériels : en moyenne, les compagnies d’assurance identifient 30 risques matériels (IRO), contre 49 en moyenne pour les autres secteurs. Cela représente près de 30 % de risques matériels en moins, une différence significative qui interroge.
Des difficultés structurelles
Plusieurs freins opérationnels expliquent cette prudence :
- Une qualité de données encore insuffisante, en particulier pour les risques de durabilité non liés au climat (biodiversité, pollution, droits humains, etc.).
- Une forte dépendance à des fournisseurs de données externes, dont les méthodologies sont parfois peu maîtrisées ou peu transparentes.
- Des incohérences entre les différentes évaluations internes (EIRS, LEC29, ORSA, etc.) et les éléments communiqués dans les rapports publics.
- L’incertitude géopolitique, notamment les tensions transatlantiques autour des standards ESG, vient ajouter une pression supplémentaire sur les équipes en charge de ces sujets.
Un exercice prometteur malgré les zones de turbulence
Malgré ces difficultés, cette première vague de rapports marque un tournant pour le secteur. Elle constitue un socle d’apprentissage, sur lequel les assureurs vont devoir construire dans les années à venir, en renforçant leurs capacités internes d’analyse, en structurant la gouvernance des risques ESG et en assurant une meilleure cohérence entre les reportings réglementaires et internes.
L’exercice 2025 n’est donc qu’un point de départ. Il ouvre la voie à une professionnalisation accélérée des pratiques ESG dans l’assurance, indispensable pour affronter les enjeux systémiques du climat, de la transition énergétique ou encore de la responsabilité sociale.