Les banques et les cryptomonnaies – Thomas Truffer

En 2020, les crypto-monnaies représentaient 400 000 transactions pour 2,5M de français. Présentées au préalable comme une échappatoire aux monnaies et marchés traditionnels soumis aux contraintes des institutions publiques, ces devises n’ont pu que capter l’attention du plus grand monde, les banques traditionnelles y comprises. Les banques ont entrepris un long processus de numérisation de leurs activités afin de proposer la même agilité que fournit le système des crypto-monnaies.

La Société Générale annonçait dans un article publié en 2021 que pour le moment, elle n’inclurait pas les crypto-monnaies dans ses offres, considérant l’actif comme trop volatile et risqué pour le proposer à ses clients. En revanche, dans un souci d’adaptation aux nouvelles technologies, la banque a développé une nouvelle plateforme permettant l’échange et la conservation d’un certain type de cryptoactifs  : les security token (jetons de titres) natifs. Ce sont des titres entièrement digitaux produits, échangés et stockés sur une blockchain. Ainsi, la banque française a émis une obligation sur la blockchain renommée Ethereum en 2019 et a souscrit à une obligation de la Banque de France pour 40M€ en monnaie digitale de banque centrale (MDBC) – i.e de la monnaie centrale directement émise sur les marchés digitaux. Ces deux transactions, anodines pour les marchés classiques, sont en réalité des premières expérimentations de l’agilité qu’offrent les marchés digitaux. Le but étant de tester les possibilités qu’offre la blockchain aux banques pour se financer mais aussi pour les règlements interbancaires. La Banque de France avait sélectionné la Société Générale – Forge pour cette expérimentation de l’euro numérique, preuve d’une volonté du système traditionnel de s’adapter aux dernières innovations.

L’intérêt de la MDBC est d’avoir un outil de règlement entre les acteurs du secteur financier sur les marchés digitaux. Le rôle est donc le même que pour la monnaie centrale classique mais sur les marchés digitaux. Ainsi, les banques pourront s’échanger des cryptoactifs – excepté des crypto-monnaies – sur la blockchain avec cette nouvelle crypto-monnaie qu’est l’e-euro (euro électronique). Le but de cette manœuvre reposant sur trois enjeux selon le gouverneur de la banque de France : remplacer les espèces  ; réduire les coûts en éliminant les intermédiaires ; se placer en concurrent des crypto-monnaies privées. Par ailleurs, la Banque de France travaille sur l’élaboration d’une MDBC de détail, qui serait donc accessibles aux particuliers. Le but serait ainsi de créer des jetons d’une certaine valeur nominale de la MDBC affiliée afin de les échanger. Ces jetons seraient finalement l’équivalent du billet papier que nous connaissons mais sous un format électronique, remplissant par là-même l’un des objectifs avancés par le gouverneur de la banque de France.

D’autre part, les médias spécialisés dans les cryptoactifs semblent suggérer que les banques institutionnelles françaises essaieraient de développer un système de conservation des cryptoactifs, comme elles conservent aujourd’hui nos actifs classiques. Encore au stade de rumeur, l’information divise tout de même les aficionados, certains y voyant un progrès et un gage de sécurité, d’autres interprétant cela comme de l’ingérence dans le système des blockchains. Cette seconde réaction semble légitime étant donné que les cryptoactifs sont nés de la réaction à la faillite du système bancaire traditionnel en 2008. Voir les institutions occuper une partie des fonctions de ce système qui se voulait indépendant semblerait en effet incohérent.

Les banques se tiennent donc encore à l’écart des crypto-monnaies classiques (bitcoin, eth…) et préfèrent expérimenter peu à peu les technologies affiliées. Les opportunités représentant la blockchain sont encore à évaluer mais il faut s’attendre à voir le système bancaire l’exploiter de plus en plus. Les MDBC, crypto-monnaies des banques centrales, sont encore loin de concurrencer le bitcoin ou l’ETH étant donné leurs natures dichotomiques et les banques ne semblent pas encore prêtes à s’ouvrir à ces cryptoactifs. Enfin, l’appellation crypto-monnaie est contestée du fait que ces actifs ne rempliraient pas encore les trois conditions qu’un actif doit remplir selon les sciences économiques pour être considérés comme de véritables monnaies.