Quels sont les grands enjeux RSE pour les Banques de détail ? – Charles Devesse

La Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE) consiste à « aligner les activités sociales et environnementales d’une entreprise sur ses valeurs et ses objectifs commerciaux ». Si le concept de RSE existe en théorie depuis les années 50, ses enjeux stratégiques et opérationnels ne sont véritablement au centre des préoccupations des entreprises que depuis une dizaine d’années. Les banques ne sont pas en reste et intègrent, elles aussi et de plus en plus, les enjeux RSE dans leur feuille de route et leurs réflexions stratégiques.

Pour autant, quels sont les principaux enjeux RSE pour les banques de détail ? et comment peuvent-elles commencer à adresser ces enjeux de manière concrète ?

Ce dossier spécial se découpera en deux parties : après avoir rappelé les principaux enjeux RSE pour le secteur bancaire de façon générale, nous nous attacherons à analyser les leviers de performances que permet la RSE pour la banque de détail (I). Par la suite, nous évoquerons quelques pistes d’action et éléments de démarche pour intégrer de façon pérenne la RSE dans les opérations quotidiennes des banques (II).

PARTIE 1 : un rappel des grands enjeux RSE dans la banque de détail

A. La RSE : un enjeu déjà bien ancré dans le pilotage stratégique des banques

Dans leurs stratégies, leurs chartes ou leurs communications internes ou externes, les banques font désormais de la RSE une priorité clairement affichée pour les années à venir (il n’y a qu’à voir, en guise d’illustration, les dernières présentations des résultats annuels et les ambitions affichées par les principales banques françaises en 2022).

Il semblerait donc bien que, depuis quelques années, les ambitions, leviers et impacts de l’intégration des réflexions RSE, à tous les étages des organisations bancaires, soient mieux connus et mieux maîtrisés.

En ce qui concerne la vision organisationnelle des établissements bancaires, il est aujourd’hui établi que l’intégralité des strates de la banque sont ou seront impactées :

  • Au niveau stratégique d’abord, à travers la direction générale ainsi que par le sponsorship des actuels et futurs grands programmes de transformation. L’intégration des enjeux RSE dans les réflexions stratégiques est désormais incontournable, notamment de par la présentation de leurs résultats financiers (dans une vision bilan de la stratégie passée pour pérennisation ou modification) mais aussi de leur feuille de route stratégique (pour une vision future visant l’arbitrage des investissements à venir) ;
  • Au niveau du management de proximité, ensuite, avec une mise en œuvre de pratiques RSE dans les modes de management eux-mêmes (sensibilisations aux enjeux RSE et processus de recrutement par exemple) ou au sein des activités de la banque directement portées par les managers (par exemple dans les activités commerciales de produits financiers, ou au sein des projets et programmes de transformation) ;
  • Et enfin au niveau des opérations, avec de multiples impacts sur les processus (et une démarche « RSE by design »), les produits (notamment de la « finance verte »), les systèmes d’information (dont on sait qu’ils sont aujourd’hui relativement énergivores) ou les nouveaux modes d’organisation et de travail des banques (qui offre l’opportunité, post crise, de repenser l’intégralité du fonctionnement de la banque, des postes de travail, en passant par le matériel, la gestion des locaux ou encore la consommation énergétique).

Si l’on considère maintenant une approche systémique, la RSE va aussi venir modifier durablement les rapports entre les banques et leurs principales parties prenantes :

  • Les collaborateurs et les potentiels candidats à l’embauche tout d’abord. Le secteur bancaire intègre et doit continuer d’intégrer la RSE comme puissant levier d’une marque employeur forte ;
  • Les clients qui sont, eux aussi, de plus en plus sensibles et sensibilisés aux enjeux RSE et de plus en plus attentifs aux impacts qu’ont leurs banques au sein de la société civile ;
  • Les fournisseurs ensuite, qui seront durablement impactés dans leurs relations avec les banques, dans un sens et dans l’autre  :
    • D’une part parce que les nouveaux processus de sélection des banques mettront en œuvre (et de plus en plus sur les prochaines années) des critères RSE poussés dans leur évaluation afin de laisser de côté les plus « mauvais élèves »,
    • D’autre part parce que les fournisseurs et prestataires des banques exigeront eux aussi de la part de leur banquier un respect de leurs propres exigences et ambitions en matière de RSE.

B. Enjeux et opportunités pour la banque de détail

Une fois ces grands enjeux RSE (re)posés, on comprend aisément que l’activité particulière de banque de détail sera, elle-aussi, impactée à tous les niveaux de son organisation et vis-à-vis de toutes ses relations d’affaires.

Toutefois, et avant de tirer de ces enjeux des plans d’actions concrets, il convient de rappeler les principales difficultés auxquelles est confronté le secteur, spécifique, de la banque de détail, notamment en France.

Les banques de détails font en effet face à quatre difficultés majeures, parfois concomitantes les unes des autres :

  • Une saturation du marché (avec des pays comme la France ou le taux de bancarisation est très proche des 100%) et la difficulté à conquérir de nouveaux clients ;
  • Un poids de l’activité par rapport aux autres activités de la banque qui ne cesse de décroitre et une rentabilité qui ne cesse de décliner ;
  • Une difficulté à attirer et retenir les talents. Cette difficulté, si elle n’est pas uniquement propre au secteur bancaire, doit toutefois être gardée en tête et ce pour au moins deux raisons : i. l’activité de banque détail est un gros pourvoyeur d’emploi comparativement à d’autres activités bancaires et ii. on assiste depuis quelques années à un véritable bousculement du marché de l’emploi avec notamment des générations de jeunes diplômés qui se tournent vers des secteurs et des entreprises qu’ils jugent davantage porteur de sens  ;
  • Un système d’information (et notamment les Core Banking Plateforms) qui, pour partie, est vieillissant et freine parfois l’entrée des banques dans une ère véritablement digitale.

Une fois posées ses principales difficultés, la RSE apparait alors de facto comme étant l’un des leviers possible et souhaitable d’une transformation en profondeur du secteur.

La RSE comme levier de transformation pourrait constituer plusieurs opportunités pour les banques. Parmi celles-ci, il est possible d’évoquer :

  • L’identification et la création de nouvelles sources de revenus (soit par de nouveaux produits, soit par de nouveaux clients, qui sont de plus en plus sensibles aux sujets RSE) ;
  • La solidification de l’image de marque – et notamment de la marque employeur – afin d’attirer de nouveaux talents et de fidéliser les collaborateurs ;
  • Une opportunité de transformation digitale et de maîtrise de la data.

Il convient évidemment de moduler ces propos avec l’actualité récente et difficile de ces derniers mois. La guerre en Ukraine est ses conséquences sur l’économie mondiale ainsi que la remontée des taux directeurs ont et auront des impacts sur la rentabilité – donc les budgets projets – des principales banques de la Place. Il nous semble toutefois important de souligner que la RSE, qui porte en elle des enjeux fondamentaux de croissance résiliente, ne devra pas, ou peu, être mise au rang des projets de seconde priorité.

Dans un second article, nous nous attacherons à l’analyse de ces opportunités, ce qu’elles représentent en termes d’impact et ce qu’il est possible de faire pour les banques de détail et leurs dirigeants.

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